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Edgar Morin, chapitres d’une vie
mercredi 7 novembre 2012, par
Le journal tenu par le philosophe pendant
cinquante ans est publié aux Éditions du Seuil.
Ces deux tomes(1) rassemblent des textes inédits
et déjà parus.
Interview d'Edgar Morin dans le dernier numéro
de CNRS le Journal (n° 269 novembre-décembre 2012) :
Avez-vous tenu des carnets personnels toute votre
vie ?
Edgar Morin : J’ai commencé adolescent pour y consigner
mes états d’esprit, mes pensées, mes lectures… J’étais fils unique, très
solitaire, et ma mère est morte quand j’avais 10 ans. Je me suis interrompu en
1942, quand je suis entré dans la Résistance. Vingt années sans journal se sont
alors écoulées. Puis, en 1962, j’ai été hospitalisé pour une grave hépatite qui
m’a plongé quinze jours dans le coma. Pendant ma convalescence dans le Midi, j’ai eu besoin de faire le point sur ce qui était
essentiel pour moi. Quand j’ai entrepris cette réflexion, je sortais de la vie
végétative, je me promenais au soleil… Cela a donné un journal de renaissance et
de rencontres, publié sous le titre Le Vif du sujet(2). Depuis, j’ai continué,
par intermittence, dans des moments particuliers ou stimulants.
Cela vous a-t-il aidé dans votre travail
d’intellectuel ?
E. M. : En 1965, j’ai tenu un journal d’enquête
sociologique, le Journal de Plozévet(3), qui était un véritable instrument de
travail. Relevant d’une autre approche, le Journal de Californie(4), écrit
pendant l’année que j’ai passée dans cet État, en 1969- 1970, relate à la fois
les expériences existentielles que j’ai vécues auprès de
la jeunesse américaine, ce moment d’ébullition, mais aussi la découverte
d’auteurs qui ont véritablement changé ma pensée. La plupart de mes journaux
sont comme ça : un mélange d’événements de ma vie quotidienne et de réflexions
plus ou moins profondes. Il y a aussi les épreuves personnelles, comme la
maladie puis le décès de mon épouse… Je trouve très utile de prendre de la
distance avec moi-même, d’objectiver en quelque sorte ma
subjectivité.
Considérez-vous que ces journaux sont un moyen
plus accessible pour le lecteur de vous découvrir ?
E. M. : Sûrement, même si je les ai écrits avant tout pour
moi, et avec d’autant plus de plaisir que je suis quelqu’un qui aime jouer avec
les mots et les formules. Ainsi, même mes ouvrages « sérieux » comme La
Méthode(5) sont pénétrés de subjectivité littéraire. Je ne suis pas mécontent
qu’avec cette parution, mon aspect « écrivain » ressorte également.
Propos recueillis par Laure Cailoce
(1) Journal, 1962-1987 (t. 1, 1 200 p.), et Journal
1992-2010 (t. 2,1 296 p.), Seuil, 29,50 € chaque tome.
(2) Le Vif du sujet, Seuil, 1969, réed. Points Seuil,
1982.
(3) Journal de Plozévet, Éd. de l’Aube, 2001.
(4) Journal de Californie, Seuil, 1970.
(5) La Méthode, coffret 6 tomes, Seuil, 2008.
Philosophe et sociologue, directeur de recherche émérite au CNRS et
docteur honoris causa de plusieurs universités étrangères, Edgar Morin est
l'auteur d'une œuvre pluridisciplinaire abondamment commentée et traduite, dont
l'ambitieuse Méthode, en six tomes, publiée également au Seuil.
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